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- Create Date December 2, 2020
- Last Updated December 2, 2020
Si j’essaie de remonter aux sources subjectives de ce livre, La Voie, je trouve, dans mes années d’enfance, à partir de la lecture de La Case de l’oncle Tom, des romans de Gustave Aimard et de Fenimore Cooper, un irrépressible sentiment de compassion pour les Noirs esclavagisés et les peuples subjugués, asservis, méprisés des Amériques. Adolescent, j’ai ressenti une compassion semblable pour la misère humaine, pas seulement la détresse matérielle que me donnait à voir par exemple le film de Pabst L’Opéra de quat’sous, mais aussi la misère intérieure qui vient de l’humiliation et de la solitude, que m’a révélée quand j’avais quinze ans Dostoïevski.
Sans doute est-ce ma souffrance et ma propre solitude, consécutives à la mort de ma mère quand j’avais dix ans, qui me prédisposaient à compatir à d’autres malheurs. Sans doute est-ce
aussi que, tout en ayant incorporé en moi l’histoire de France dans ses heurs et ses malheurs, ses désastres et ses résurrections, tout en me sentant enraciné français, et n’ayant jamais personnellement subi de rejet, je sentais une différence que me rappelait continûment
une presse agressive à l’encontre des juifs, des métèques, des émigrés, méprisante envers les Noirs et les Jaunes, ce qui me rangeait aux côtés des exclus dont je me sentais alors le frère. Mais c’est aussi la culture française que je faisais mienne, de Montaigne à
Montesquieu, de Voltaire à Diderot, de Rousseau à Hugo, qui me vouait à l’universalisme. J’étais certes français, mais j’étais d’abord partie intégrante de l’espèce humaine, priorité qu’avait soulignée l’auteur de L’Esprit des lois.
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